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L’identité numérique du chercheur : quel accompagnement ?

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Suite à des demandes régulières d’intervention ces dernières années autour de l’identité numérique pour des doctorants et des enseignants-chercheurs, l’URFIST de Paris a récemment proposé une formation de formateurs dédiée à cette question. Cette formation sous forme d’ateliers était l’occasion de répondre au besoin d’accompagnement et d’échanges ressenti par un certain nombre de professionnels de l’IST (bibliothécaires, documentalistes, etc.) autour d’une préoccupation de plus en plus centrale pour le chercheur et son institution. Dans la continuité de cette formation, ce billet souhaite proposer des repères, des exemples, des retours d’expérience et des pistes d’action possibles pour accompagner au mieux les chercheurs.

Un grand merci à tous les participants de ces deux ateliers pour leur travail et leurs échanges !

Plan
Besoins et attentes des chercheurs
Positionnement des professionnels de l’IST
Retour sur l’atelier Formation de formateurs
Quels scénarios d’accompagnement pour quels buts ?
Former à l’identité numérique : points de vigilance
Conclusion

Cet article est également disponible en format PDF sur le site de l’URFIST de Paris.


Besoins et attentes des chercheurs

On le sait, le fameux « Publish or perish » est progressivement complété d’un « Be visible or vanish ». Il ne suffit plus de publier, même abondamment ; il faut également rendre ses travaux visibles, et, mieux encore, accessibles. Et d’une certaine manière, tant les tensions d’un monde académique de plus en plus concurrentiel que les vœux institutionnels en faveur d’une science plus ouverte et collaborative[1] vont dans le même sens. Mais un problème se pose dès lors pour le chercheur : comment répondre correctement à ces injonctions à la visibilité du chercheur, à l’accessibilité de ses travaux et à la création d’un réseau face aux incertitudes de la carrière, aux limites éventuelles des outils institutionnels et à la multiplication des outils possibles ?

Cela fait déjà quelques années que des formations et présentations sur ces sujets sont proposées aux chercheurs et aux doctorants. Que ce soit en fonction du statut dans la carrière[2], du rapport visibilité / réputation / identité numérique[3], de l’identité numérique vue sous un angle particulier[4] ou encore de la visibilité plus spécifique des publications[5], l’intitulé même d’actions récentes souligne les enjeux de cet accompagnement. De fait, les chercheurs sont de plus en plus utilisateurs d’outils de présence en ligne et de visibilité académique : réseaux sociaux (au moins 70 % sur les réseaux sociaux généralistes, 40 % sur les réseaux sociaux académiques ou encore 10-20 % sur Twitter), identifiants chercheurs (10-20 % ?). Les conclusions de l’étude pluriannuelle Harbingers (2015-2018) montrent que les jeunes chercheurs notamment illustrent parfaitement cette tendance, pour être (re)connus tant par leurs pairs que par les décideurs et le grand public. Et si 57 % des répondants à l’étude Springer Nature de 2017 disent utiliser des média sociaux pour se promouvoir ou pour promouvoir leur recherche, 70 % considèrent qu’ils pourraient faire plus encore. Mais à l’heure du tout Google, cette visibilité passe avant tout par les moteurs de recherche, même pour rechercher des chercheurs. Prenons l’exemple de la visibilité numérique et du recrutement : du côté des recruteurs, deux tiers d’entre eux ont décidé de recruter quelqu’un suite à des résultats positifs sur Google ; ils sont tous aussi nombreux à ne pas avoir recruté un candidat après des résultats négatifs. 35 % des employeurs sont moins disposés à rencontrer en entretien des candidats qu’ils n’ont pas trouvé en ligne. Enfin, un sondé sur cinq estime avoir trouvé un emploi grâce à des informations le concernant en ligne. Mais que ce soit dans le cadre de la recherche d’emploi ou dans le cadre plus général de la recherche académique (recherche de financements, de collaborations, de projets), la présence numérique est de plus en plus reconnue, pour le chercheur, comme un aspect légitime de son activité, et connaître les mécanismes et outils disponibles est devenu une compétence centrale (David Nicholas et al.). Cela ne fait qu’appliquer au domaine de la recherche un mouvement plus général, souligné par plusieurs référentiels de compétences[6] mais aussi les institutions[7]. On rappellera enfin que si nous nous centrons ici sur la question de l’identité numérique du chercheur, cette question vaut aussi notamment pour les étudiants de licence et de master[8].

En poussant leurs chercheurs à être toujours plus visibles, il convient que les institutions reconnaissent que l’identité numérique est une vraie compétence à développer et que tous les chercheurs n’ont pas les mêmes compétences en ce domaine, et les mêmes capacités à faire face aux codes particuliers de l’expression en ligne. Comme le soulignait Olivier Le Deuff dès 2010 et comme l’illustre le projet pluriannuel du JISC Building digital capability (2014-2018), la gestion d’une bonne identité numérique se trouve au croisement de nombreuses connaissances et compétences, tant techniques qu’informationnelles, voire chapeaute les autres compétences attendues. Il est particulièrement notable de constater la place prise en termes de compétences par l’identité numérique au niveau institutionnel dans le schéma actuel du JISC Digital capabilities framework, là où elle n’était, au niveau individuel, qu’un élément de littératie parmi d’autres (The seven elements of digital literacies, 2014).

D’une certaine manière, la question de l’identité numérique mêle à la fois littératie informationnelle et communication académique. Outre une connaissance des fonctionnalités des services, il convient de bien connaître aussi le contexte particulier du monde académique autour de la diffusion des travaux, de l’éthique et des mécanismes de réputation, permettant de créer une culture numérique académique (digital scholarship) au sens plein du terme. Ces « nouvelles » compétences numériques, souvent soft skills, sont particulièrement mises en lumière autour de l’open science, et ceci pour tous les chercheurs, et non pas seulement les doctorants et jeunes chercheurs. Bien sûr, les besoins sont variables en fonction des personnes concernées, mais dès 2015 une étude du JRC (Joint research centre), soutenue par la Commission européenne, sur les mécanismes de réputation émergents, soulignait trois points centraux : maîtriser l’anglais et le numérique en général (usage critique des nouvelles technologies) ; connaître et comprendre les éléments constitutifs de la réputation académique et de l’aspect « social » (vie privée, identité numérique professionnelle) ; savoir bien gérer son temps – il n’est d’ailleurs pas étonnant que le Digital capabilities framework du JISC associe savoir-faire et savoir-être en une rubrique « digital identity and wellbeing ». Et parce que les besoins ne sont pas les mêmes selon les fonctions, le JISC propose également des role profiles afin « d’aider les responsables d’équipe à identifier les compétences numériques dont ont besoin leurs équipes » (ex. : chercheur, professionnel de l’IST, responsable numérique).

Si les chercheurs, et notamment les doctorants, ont déjà des connaissances sur l’identité numérique en général, ils ont néanmoins des attentes sur l’offre spécifiquement académique et son contrôle dans son ensemble (public / privé ; professionnel / personnel). Par exemple, concernant les réseaux sociaux, « 29 % aimeraient être davantage accompagnés (formation pour mieux comprendre les atouts de ces outils et comment s’en servir efficacement…). La même proportion au contraire ne le souhaite pas (jugé inutile, crainte d’une perte de liberté de parole…) » (Sircome). D’une manière générale, en matière d’accompagnement et de formations, les chercheurs ont des attentes plus fortes d’abord sur la diffusion et la valorisation de leurs publications, puis la visibilité sur internet et enfin, la communication et la médiation numérique – dans le cas des doctorants, arrive en premier la visibilité (Eleni Dermentzi et al. et Dialogu’IST). Concernant la forme, il semble que les chercheurs préfèrent sur ces questions les formations en ligne et l’autoformation (distanciels, tutoriels) aux activités en présentiel (ateliers, formations, groupes de discussion), permettant de fournir des réponses immédiates à des questions ponctuelles. Dans le cas des identifiants chercheurs, par exemple, une étude réalisée à la Stony Brook University montre que 53 % des chercheurs se déclarent intéressés par des guides en ligne pour créer leur identifiant et seulement 34 % par des ateliers en présentiel. On sait par ailleurs qu les chercheurs sont en attente de guides de bonnes pratiques et de préconisations institutionnelles.

 

Positionnement des professionnels de l’IST

Une question soulevée lors de l’atelier formation de formateurs était celle de la légitimité des professionnels de l’information à proposer des formations et de l’accompagnement sur l’identité numérique du chercheur. De fait, de plus en plus de publications soulignent l’importance pour les bibliothèques de proposer des formations à l’identité numérique. Le rapport du New Media Consortium NMC horizon report: 2017 library rdition liste ainsi la question de l’identité numérique parmi les « développements technologiques importants pour les bibliothèques universitaires et de recherche » avec un horizon à 2-3 ans. Comme sur de nombreux autres sujets (publication scientifique, open access, etc.) et comme le veulent leurs missions, bibliothécaires et documentalistes doivent répondre au besoin constant et évolutif de formation et d’accompagnement des personnels et étudiants. Cela leur permet ainsi de dépasser le rôle de la bibliothèque « de fournisseur de service de savoir au sein de l’université pour devenir un collaborateur au sein d’un écosystème d’enseignement et de recherche riche et varié » (ARL – Association of Research Libraries). Pour ce faire, ils sont légitimés par leur présence même au cœur du monde académique, tandis que leur veille spécifique sur ces sujets est le garant de l’exhaustivité et de la fraîcheur des contenus transmis par rapport aux connaissances de participants. Par ailleurs, l’évolution ces dernières années des missions mêmes des bibliothèques a favorisé le développement de nouvelles compétences notamment dans le domaine de la communication scientifique, posant les prémices d’un rôle de « techniciens de la recherche ou spécialiste académique numérique » (The research technologist manifesto), dépassant le strict aspect technique et permettant ainsi d’élargir l’offre de formation en termes de littératie numérique : le rôle du bibliothécaire universitaire s’étend désormais à la formation de « citoyens numériques » afin de les rendre capables de « prendre des décisions informées en ligne en évaluant de manière critique leur participation en ligne » (Kathleen Schaeffer et Geoffrey Little). C’est d’autant plus important que ces compétences seront applicables également en dehors du monde académique et tout le long de la carrière. Et plus largement, alors que l’identité numérique aborde des questions comme les données personnelles, la prise de parole ou encore l’éthique, « les bibliothécaires doivent agir pour continuer leur rôle traditionnel de champions de la vie privée et de la liberté intellectuelle à l’ère numérique » (Sarah Shik Lamdan), faisant même de cette protection des données personnelles un élément de leur image de marque.

On sait par ailleurs que les fonctions informatives et d’accompagnement des bibliothèques sont toujours importantes pour les usagers. Par exemple, quand on demande à des chercheurs où ils chercheraient de l’aide sur les identifiants chercheurs ORCID, derrière la réponse évidente des ressources ORCID (site, contact, mail) et la recherche internet, les bibliothécaires restent encore mentionnés par 13 % des répondants. Il est vrai cependant que ces chiffres sont à nuancer selon la région géographique et la discipline (22 % pour les sciences humaines contre moins de 10 % pour les sciences dures). Mais on sait également que cette reconnaissance des professionnels de l’information au service de la recherche tend à s’éroder. C’est particulièrement vrai pour les jeunes chercheurs français. Selon l’étude Harbingers déjà mentionnée, plus que dans tout autre pays, ces derniers ne considèrent plus les bibliothèques comme des lieux d’accompagnement de la recherche, mais de simples centres de ressources pour les niveaux L. Il en va alors de la visibilité, voire de la viabilité des bibliothèques. Et plus généralement, au niveau de l’institution, « un usage efficace et approprié de la technologie par les personnels de l’université est vital pour fournir une expérience enrichie aux étudiants et réaliser un bon retour sur investissement dans un environnement numérique » (JISC). Former le personnel académique à l’identité numérique ne peut qu’avoir des retombées positives sur l’établissement, qui peut profiter des retombées positives de la présence de ces chercheurs en ligne. Mais pour cela, il faut que l’établissement leur donne les moyens techniques et organisationnels de bien s’emparer de ces questions – il en va de la responsabilité sociale des universités. Il convient tout autant que les institutions prennent pleinement conscience de la valeur ajoutée que les bibliothécaires peuvent apporter au sein du RIM (Research information management) pour favoriser une meilleure visibilité du chercheur individuellement et de l’institution en général. D’autant plus que, comme le montre l’exemple de l’utilisation d’IdRef dans OATAO, les bibliothèques gèrent déjà des données personnelles des chercheurs, via les notices d’autorité ou les archives ouvertes, et contribuent donc à une meilleure identité numérique des chercheurs.

La bibliothèque Queensland University of Technology (QUT) offre un excellent exemple de ce rapport gagnant-gagnant. Accompagner le chercheur sur son identité numérique du chercheur est une volonté forte des bibliothécaires de la QUT qui ont mis en place trois offres complémentaires à partir de 2015 : un guide en ligne Create your researcher profile [Créez votre profil chercheur], des ateliers Pimp your profile [Tunez votre profil], devenus depuis Build your researcher profile, et le service Researcher profile health check [Bilan de santé du profil de chercheur] qui vise à assurer un suivi individualisé. D’après les initiateurs du projet, les retours sont excellents : satisfaction des chercheurs, relations plus étroites de la bibliothèque avec les responsables de la recherche, meilleure visibilité de la valeur ajoutée du service à la recherche de la bibliothèque en général. « Ce soutien de la bibliothèque comme un élément à part entière de la stratégie de l’université en matière de recherche fait disparaître les dernières barrières de communication et de reconnaissance et donne surtout aux bibliothécaires […] un passe illimité pour les activités support de la recherche dans toutes les disciplines ».

 

Retour sur l’atelier Formation de formateurs

Deux sessions de la formation L’identité numérique du chercheur [formation de formateurs] ont eu lieu les 28 mai et 21 juin 2018 (0,5 j.), réunissant au total 25 professionnels de l’information (bibliothécaires, documentalistes). Le profil des participants confirme combien cette question devient un point important dans tous les organismes de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les grandes catégories disciplinaires étaient représentées (10 SHS, 9 pluridisciplinaires et 6 STM), tout comme la diversité des établissements (13 bibliothèques universitaires et 12 centres de documentation d’établissements de recherche, de grands établissements ou encore d’écoles d’ingénieurs). Sous des fonctions variées (responsable de centre de documentation, responsable de services aux chercheurs, chargé de formations, responsable des archives ouvertes, etc.), la préoccupation était généralement la même : mettre en place une offre diversifiée sur cette question, spontanément ou à la demande du service. La plupart des participants en effet n’avaient encore jamais assuré de formations spécifiquement autour de l’identité numérique du chercheur, mais quasiment tous indiquaient des projets pour 2018-2019 autour d’actions (formations, ateliers à l’occasion de l’Open access week, accompagnement individuel, tutoriels en ligne) qui aborderaient certes les outils mais aussi les enjeux et les intérêts de l’identité numérique. Autre difficulté : la plupart des participants n’avaient eux-mêmes pas reçu de formations spécifiques à ce sujet, sinon pour quelques-uns en auto-formation, et estimaient en avoir une vision encore trop partielle et lacunaire. L’identité numérique n’est certainement pas le domaine où les nouvelles compétences des bibliothécaires sont les plus développées et on se rappellera que, selon l’enquête Dialogu’IST de l’automne 2016, les professionnels de l’IST mentionnaient en priorité comme évolutions prévisibles de leurs activités, et donc de leurs compétences : la visibilité de la production scientifique, la conservation de cette production, puis l’identité numérique et la visibilité du chercheur. L’étude BSN9 sur la formation à l’IST (2015) mentionnait de même ces besoins en matière d’identité numérique. Cela n’est d’ailleurs pas sans rappeler les besoins de montée en compétences des bibliothécaires pour tout ce qui concerne la communication académique en général.

Si cet atelier était pensé comme une formation de formateurs sur l’identité numérique du chercheur, et non, à proprement parler, une formation à l’identité numérique du chercheur, c’était aussi l’occasion de revenir sur les éléments centraux. Après un retour sur les notions de base (contexte, vocabulaire, besoins), l’atelier s’est ensuite concentré sur des travaux en groupe autour de scénarios les plus fréquents, établis en fonction des publics (doctorants ?, tout public ?) et/ou des modalités d’accompagnement (formation ?, présentation ?, tutoriel ?). Les scénarios, au nombre de quatre, portaient sur : une formation en présentiel pour des doctorants SHS, une formation en présentiel pour des doctorants STM, un événement tout public (Midi de la bib, atelier dans un laboratoire, Open access week…) et enfin un outil en ligne (guide, tutoriel…). A l’aide d’une brève sélection de descriptifs et de supports et d’une grille de consignes, chaque groupe de 3-4 personnes avait pour mission de préparer les grandes lignes du scénario déterminé (contenu et modalités pédagogiques) en vue d’une restitution à l’ensemble des participants. Un questionnaire préalable à l’atelier avait permis de répartir les participants dans le groupe le plus proche de leurs besoins immédiats. Nous renvoyons au document réalisé à l’issue de la formation pour le contenu des différents scénarios.

 

Quels scénarios d’accompagnement pour quels buts ?

La question de l’identité numérique pour elle-même s’est développée ces cinq dernières années à l’université. Il ne s’agit plus de parler simplement de la présence des chercheurs sur les réseaux sociaux et le web 2.0, tendance des années 2000-début des années 2010, ou des outils existants mais du « développement de son identité numérique » sous un angle global et stratégique. Et ce n’est pas un hasard si l’atelier Pimp your profile de la Queensland University of Technology, rebaptisé Be visible or vanish, a remplacé courant 2016 l’atelier Using social media for your research.

Le recensement, non exhaustif, d’un certain nombre de documents d’accompagnement autour de l’identité numérique du chercheur réalisé à l’occasion de l’atelier de l’URFIST (prioritairement français datant de moins de 2 ans), fait apparaître de grandes catégories, somme toute peu originales dans le domaine des services aux chercheurs, de l’open access, de l’open science ou encore du management de la recherche : initiation tout public, formations doctorales, interventions ponctuelles, journées thématiques, formation de formateurs, guides et tutoriels, entretiens personnalisés. Les éléments suivant sont issus des échanges lors de l’atelier, de publications scientifiques et de retours d’expériences.

* événement tout public (Midi de la bib, atelier dans un laboratoire, Open access week, etc.)

Comme le montraient les pistes envisagées lors de l’atelier (une présentation d’1 h Qui suis-je sur internet ? / Moi et mon double numérique, ouvert à tous les publics y compris non universitaires vs. une journée L’identité numérique : un passage obligé ? plus spécifiquement destinée aux publics universitaires), les possibilités d’événements autour de l’identité numérique sont vastes. Outre les difficultés bien connues de tous ceux qui organisent des actions de ce genre et souhaitent y attirer les chercheurs (relais de l’organisation et de l’annonce, période idéale), la principale difficulté est de bien cerner le sujet en fonction du profil des participants : jusqu’où aller dans les généralités ? ; quand passer aux particularités de l’identité numérique académique et professionnelle ? En effet, les besoins des publics extérieurs ne sont pas ceux des publics universitaires ; et au sein des publics universitaires, les besoins ne sont pas les mêmes non plus. Lors de l’atelier, on a ainsi évoqué la possibilité de parler du harcèlement, par exemple en cas de présence d’enseignants du secondaire ; c’est ce que l’on voit aussi dans le retour d’expérience d’Anne-Sophie Pascal (Université de Poitiers). De même, est-il difficile de présenter un même discours unique à des doctorants et des enseignants-chercheurs tant les besoins sont différents selon la période dans leur carrière. Ces événements sont donc généralement considérés comme une sensibilisation à la question, aussi conviviale et détendue que possible (buffet, stand avec test de visibilité…), ouvrant la voie à différentes formes d’actions (ateliers, groupes de discussion, interventions dans les laboratoires, formations doctorales, RDV personnalisés). C’est ainsi que des ateliers seraient proposés dans la journée L’identité numérique : un passage obligé ?, dont l’un plus particulièrement destiné aux personnels de soutien à la recherche pour accompagner au mieux les chercheurs. Ces ateliers sont en effet un bon moyen de démultiplier l’information : la London School Economics (LSE) a ainsi mis en place un programme de tutorat dans le cadre de son projet Student ambassadors for digital litteracy (SADL)[9]. Mais c’est aussi l’occasion de développer des partenariats : la demi-journée de l’ED d’histoire de Paris 1 Panthéon Sorbonne Être visible sur internet : quels outils pour quels buts ? était l’occasion de faire intervenir la Direction partenariat entreprises et insertion professionnelle sur le CV et la Direction des systèmes d’information et des usages numériques sur les outils institutionnels. Enfin, ces événements sont l’occasion de proposer des ressources et services en direct mais aussi à plus long terme. La BU de l’université d’Evry-Val-d’Essonne a ainsi proposé à l’occasion de l’Open access week 2017 non seulement une après-midi de présentations et d’échanges sur « l’identité numérique du chercheur », mais a aussi réalisé une bibliographie et une exposition de posters présentés dans le hall de la bibliothèque, l’ensemble étant mis en ligne ensuite sur un site dédié. Si, vous aussi, vous voulez monter une exposition ou proposer des outils de communication sur ce même sujet, n’hésitez pas à regarder leurs excellents posters !

* formations doctorales en présentiel

« Présentations et séminaires renforcent l’importance de développer un persona professionnel en ligne pour réaffirmer sa place dans le monde académique, et les ateliers techniques fournissent aux chercheurs des compétences pour utiliser les nouveaux médias » (Sharyn McDonald). Dans cette logique, de plus en plus d’établissements proposent des formations sur l’identité numérique destinées à leurs doctorants. Les échanges lors des ateliers montraient que, pour certains établissements, les doctorants sont d’ailleurs la cible privilégiée : il s’agit de s’adresser à ces publics pensés comme plus au fait du numérique, et donc plus susceptibles d’être concernés par ces questions que d’autres chercheurs, mais aussi de resituer l’identité numérique dans un contexte professionnel plus large que le doctorat comme la recherche d’emploi. Ce peut être vu aussi sous le contexte de l’Education aux médias et à l’information (EMI) : traces, droit d’auteur, stratégie de communication (Bénédicte MacGregor). Or, ces publics ont des particularités bien spécifiques par rapport aux chercheurs déjà en poste : s’ils font déjà de la recherche, ils ont encore peu de productions scientifiques à leur actif ; leur réseau est encore peu étendu ; leur rattachement institutionnel à l’occasion de leur thèse sera très rarement leur rattachement académique ou professionnel à l’issue de leur thèse ; enfin, ils sont dans une démarche professionnalisante et doivent se constituer une identité numérique professionnelle large à des fins de recrutement hors université. Dès lors, comment aborder les points généralement abordés dans les formations sur l’identité numérique comme les outils institutionnels (page de laboratoire), les outils centrés sur les publications (archives ouvertes), les outils commerciaux non pérennes (réseaux sociaux professionnels et académiques), etc. ? Par ailleurs, que mettre en valeur, où et comment ? Pour ce faire, et pour simplifier un paysage académique parfois complexe, on distinguera avec profit la question de la visibilité du chercheur en tant que personne, et la visibilité des productions, en proposant par exemple une formation sur l’identité numérique du chercheur et une autre formation sur les modalités de publication. Reste la question de la discipline : faut-il séparer les doctorants en SHS et les doctorants en STM ? Si les principes et les bonnes pratiques sont communs à toutes les disciplines, les pratiques de diffusion et donc de visibilité peuvent justifier cette séparation : pour les SHS, on pourra ainsi insister davantage sur les outils d’échanges et de vulgarisation comme les carnets de recherche et Twitter, particulièrement utilisés en SHS, tandis que pour les STM, on pourra insister sur les outils liés à la publication comme les identifiants chercheurs, encore majoritairement utilisés en sciences exactes. Et si, comme pour les événements, les compétences internes ne sont pas suffisantes, l’exemple de la BU de Grenoble rappelle le bien-fondé d’une approche transversale, réunissant bibliothécaires et autres formateurs, pour créer une culture informationnelle large du jeune chercheur.

Qu’on les appelle, comme le proposaient les participants à l’atelier, Être visible sur Google, Construire son identité numérique de jeune chercheur ou encore Doctorants, améliorez votre visibilité sur le web !, la durée de ces formations doctorales est généralement, de 2h-3h. Si le contenu est assez évident (définitions et enjeux, outils, exemples, bonnes pratiques), il convient surtout de proposer des activités concrètes en ateliers individuels ou collectifs de manière à pousser les participants à réfléchir par eux-mêmes : questionnaire de positionnement en amont de la formation, recueil collectif des avis au démarrage (Magalie Le Gall, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), analyse SWOT (Nicolas Alarcon et Gwenaëlle Marchais, Université de La Réunion), quizz à contre-pied (Charlie Rapple), googlisation de profils déterminés (N. Alarcon et G. Marchais), analyse d’outils (Gabriel Gallezot, URFIST de Nice), analyse de profils de chercheurs (Aline Bouchard, URFIST de Paris), construction d’un persona (N. Alarcon et G. Marchais), comparaison de fonctionnalités, notamment autour des archives ouvertes / réseaux sociaux académiques (N. Alarcon et G. Marchais), parcours guidé (Virginia Pannabecker et al., VirginiaTech), production d’un document commun (Bénédicte MacGregor, CNRS – Maison archéologie et ethnologie René-Ginouvès), retours d’expérience (University of Rhode Island, p. 19-22)… On rappellera juste ici quelques outils intéressants pour favoriser l’interaction : on pensera bien sûr aux outils numériques, comme les pads (Framapad), post-its (Framemo, Padlet), boîtiers de vote via smartphones (Kahoot !, Wooclap), mais rappelons aussi les outils plus matériels comme en fait utiliser M. Le Gall (carte curieuse, battle, mindmap). On pourra penser également à faire intervenir de jeunes docteurs pour présenter leur retour d’expérience, ou prévoir des vidéos ad hoc (LSE Student ambassadors for digital literacy). D’une manière générale, tant pour le contenu, que pour la forme et les activités proposées, si vous n’en consultez qu’un, regardez le support de la BU de La Réunion Identité numérique du jeune chercheur (3h, N. Alarcon et G. Marchais), un incontournable en la matière !

* outil en ligne (guide, tutoriel, etc.)

Les outils d’autoformation en ligne sont une direction importante pour le développement des services aux chercheurs. En 2016, un survol des sites des bibliothèques australiennes présentaient trois grands manières d’aborder l’identité numérique : la plupart insistaient soit sur les outils soit sur les buts, comme les métriques. Seuls quelques établissements présentaient l’identité numérique pour elle-même, en fournissant un cadre et des repères pour établir une stratégie individualisée. On pourrait faire le même constat actuellement pour les ressources françaises, qui, quand elles existent, sont généralement organisées en fonction des outils (LibGuide Form@doct), sans présenter de vision panoramique. Or, une production en ligne peut être utilisée non seulement par les internautes en toute autonomie mais également comme brique d’une politique d’accompagnement large, durant les formations et les RDV (Queensland University of Technology), et le temps investi au départ profite à tous, chercheurs comme formateurs ou accompagnateurs.

Comme rappelé lors de l’atelier, l’une des difficultés est sans doute de proposer un outil permettant à la fois de se former avec le plus d’autonomie possible (panorama, boîte à outils, check-list, démos) et / ou de trouver une réponse immédiate (FAQ, tchat). Du côté des outils, on retrouve assez logiquement les outils classiques en ligne : site internet dédié, LibGuides, pages sur le site de la bibliothèque, etc. Mais l’exemple de La Trobe University rappelle aussi l’importance de proposer des technologies plus subjectives, flexibles et réflexives afin de favoriser l’appropriation personnelle et individuelle. Dans le domaine des outils d’autoformation français avec activités interactives, on signalera le tutoriel de l’université Sorbonne Paris Cité (USPC), réalisé sur Storyline. Si l’on préfère une formation moins solitaire, on pense naturellement aux communautés en ligne, comme à la George Fox University avec comptes de réseaux sociaux et Moodle ; on regardera aussi l’expérience Espresso Course de l’ANU (Australian National University) online qui, sous forme d’un rendez-vous quotidien pendant 3 jours, propose différents contenus (texte, courtes vidéos) et profite de la présence d’une zone de commentaires pour les échanges entre les participants. De même, le wiki de l’ANU sur le même sujet (archives) propose un questionnaire pré-formation et un questionnaire post-formation, ce qui ne peut que favoriser la réflexion des internautes sur leurs besoins et leurs acquis, en plus de fournir des clés d’amélioration aux créateurs du produit. Enfin, on envisagera de proposer des exemples intéressants, par exemple de profils ou via des listes Twitter.

Les échanges lors de l’atelier ont souligné trois points d’attention particuliers : une navigation aisée, une différenciation des publics et les moyens nécessaires. Concernant la navigation et afin de faciliter les différents parcours, on fera bien sûr attention à l’arborescence, mais aussi aux mots-clés pour le référencement sur les moteurs de recherche et au sein du site même. Lors de l’implémentation d’ORCID à la Texas A&M University (TAMU), outre la communication directe et indirecte (mailing, rédaction d’un LibGuide et d’un livret, présentations), les bibliothécaires ont ajouté une FAQ ad hoc sur le site de la bibliothèque et ont rajouté le mot-clé ORCID sur l’ensemble du site pour pouvoir faire ressortir toutes les ressources nécessaires lors de la recherche par l’outil de découverte de la bibliothèque. Sur la question de la différenciation, nous l’avons signalé, les besoins ne sont pas les mêmes pour les doctorants et les enseignants-chercheurs ; aussi peut-ont envisager deux niveaux de présentation, une présentation plus introductive destinée prioritairement aux jeunes chercheurs et des éléments plus détaillés comme, par exemple une aide pour créer des comptes sur les services présentés, pour les chercheurs plus avancés. Le guide Create your researcher profile de la Queensland University of Technology se décompose ainsi en trois niveaux : démarrer, construire du contenu, améliorer votre profil : ce ne sont pas les outils qui conduisent le chercheur mais ses besoins. Enfin, l’exemple de la plateforme de l’USPC, rendue possible par l’attribution d’un IDEX, Renforcer les compétences informationnelles par le numérique, rappelle les problèmes éventuels de moyens humains, techniques et financiers au sein de la bibliothèque et de son environnement plus ou moins proche (établissement, regroupement d’établissements, prestataire). Les participants de l’atelier ont alors échangé sur l’intérêt de signaler les ressources d’autres établissements sur leurs propres sites en cas de moyens inadaptés en interne – ce faisant, les bibliothécaires jouent pleinement leur rôle de sélection de ressources de qualité et permettent ainsi de légitimer l’information pour leur propre communauté. Rappelons que tant Forma@doct que la plateforme de l’USPC sont disponibles en accès libre et sont placés sous licence Creative commons (CC – BY-NC-SA pour le premier et CC – BY-NC-ND pour le second).

* accompagnement individuel

Dans la lignée du nouveau rôle de consultant que les bibliothécaires sont de plus en plus amenés à jouer, on voir enfin se développer la pratique de l’accompagnement personnalisé. Là encore, il peut prendre plusieurs formes. La forme la plus évidente est celle du RDV personnalisé. C’est le cas par exemple à l’INSERM où la cellule Mesures, Indicateurs, Bibliométrie peut proposer son aide pour créer son ResearcherID ou son ORCID lors des campagnes de promotion au sein de l’établissement à la demande du chercheur. Dans le même ordre d’idées, Viviana Fernández Marcial et Llarina González Solar proposent un « service de gestion de l’identité numérique », tant au sein de la bibliothèque que par des bibliothécaires « embarqués » dans les départements, et en accord avec les stratégies institutionnelles. Outre des conseils personnalisés sur l’identité numérique, ce service accompagnerait le chercheur et intégrerait les services externes, comme ORCID, aux services institutionnels, dans la lignée du travail de catalogage et de gestion des données d’autorité de bon nombre de bibliothèques. C’est d’ailleurs une des pistes soulevées par l’implantation d’IdRef dans OATAO. Une expérience différente a été mise en place en 2016 par la bibliothèque Queensland University of Technology (QUT) et ses « secrets shoppers » ou « clients-mystères » du service Researcher profile health check. A cet effet, les bibliothécaires recherchent la présence en ligne d’un chercheur, à la manière d’un recruteur ou d’un internaute lambda, pour voir comment il apparaît puis lui envoient un bilan avec des conseils ou lui proposent un RDV afin d’améliorer sa visibilité (exemple p. 35-36). Cette expérience de la QUT soulèvent cependant plusieurs questions. La première porte sur les chercheurs concernés par le service : si certains demandent volontairement ce bilan, une partie est choisie directement par les bibliothécaires comme « personnes prioritaires » (chercheurs publiants, jeunes chercheurs, chercheurs en poste stable à l’université). Il est vrai que les chercheurs retenus ne semblent pas s’être plaints de ce côté un peu intrusif, mais la définition même de « personnes prioritaires » entraîne de facto des niveaux entre les chercheurs. Surtout, selon certains détracteurs, c’est aux chercheurs de se préoccuper de leur identité numérique : ils « doivent se penser d’abord comme des individus, puis comme des employés » (Andy Miah). Mais le projet de la QUT se déroulait aussi dans une période de réflexion sur la présence en ligne de l’institution elle-même : comment une institution peut-elle avoir une vision générale et globale de sa propre identité numérique à l’heure d’une individualisation de la présence en ligne de ses chercheurs ? Autre critique : le risque de voir se développer une certaine forme d’uniformisation dans la présence en ligne des chercheurs. Or, s’il y a évidemment des conseils à donner aux chercheurs, chaque cas est différent et un simple bilan personnalisé a priori et sans connaître le contexte du chercheur, insistant prioritairement sur la fraîcheur et la complétude des informations disponibles, passerait à côté des besoins complexes du chercheur (visibilité par ses étudiants, ses pairs, son institution, des recruteurs). Et si finalement, la meilleure façon d’accompagner les chercheurs ne passait pas par un simple encouragementnudge ») ? C’est ainsi que la London School of Economics (LSE) suggérait chaque semaine trois contenus aux collègues présents sur les réseaux et les blogs pour les aider à « remplir des trous dans les plannings de médias sociaux » (Amy Mollet) permettant ainsi de rapprocher la visibilité du chercheur de la visibilité de son institution.

Au final, les bibliothèques peuvent agir sur quatre niveaux principaux :

« – la création d’un service de la recherche, non comme une simple réorganisation des ressources d’information en appui ;
– au sein de cette structure organisationnelle, la gestion de l’identité numérique devrait être intégrée comme l’une de ses fonctions ;
– un programme de formation et de conseil aux chercheurs sur les moyens et systèmes disponibles pour la gestion de l’identité numérique et la conception d’un microsite, avec toutes les informations et ressources disponibles ;
– d’agir par l’intermédiaire des départements et/ou groupes de recherche en tant que bibliothécaires embarqués ».

Former à l’identité numérique : points de vigilance

A mesure que la question de l’identité numérique est entrée dans les pratiques des chercheurs, des articles et prises de positions se sont multiplier pour vanter ou critiquer les mérites comparés des réseaux sociaux et des outils institutionnels face aux outils commerciaux, ou appeler à un « personal branding » et un marketing de soi… Ce n’est pas le lieu de revenir sur ces points ici[10], nous nous contenterons de relever pour finir les interrogations et les points qui peuvent poser problème aux formateurs.

* les messages prioritaires à faire passer

Si la définition d’une bonne identité numérique dépend du contexte et des besoins de chacun, la question centrale est celle de la stratégie : pour qui ; pourquoi, comment et où être visible ; avec quels bénéfices et quels risques potentiels ? Au-delà des outils, il convient surtout de donner des pistes de réflexion valables sur la durée. « Il est difficile pour le chercheur individuel de discerner les avantages et les inconvénients de chaque plateforme, et la prolifération continue de telles plateformes ne fera probablement qu’empirer le problème. Il y a un vrai risque que les jeunes chercheurs cherchant à développer leur profil et améliorer leur visibilité passent plus de temps à mettre à jour leur profil sur de multiples plateformes de réseautage que de continuer à être productifs sur le plan académique » (Armen Yuri Gasparyan et al.). Cette stratégie numérique est nécessairement individuelle, personnelle, et évolutive et doit donc être interrogée régulièrement. Deux conseils sont centraux. Le premier concerne le nombre de profils en ligne : « Peu mais bien vaut mieux que beaucoup mais mal ». Le second concerne la manière de les alimenter : « Soyez visible comme vous souhaitez voir les autres ». Pour bien faire comprendre ces éléments, ce petit exercice est toujours intéressant : faire d’abord se googliser les participants pour qu’ils constatent l’état de leur présence en ligne, puis leur demander le genre d’informations qu’ils souhaiteraient avoir sur un autre chercheur ; les réponses sont souvent … divergentes. Il convient de toujours se mettre à la place de la personne qui pourrait chercher des informations sur vous. En rappelant que l’identité numérique se fait toujours dans un but précis (la fameuse « stratégie » citée plus haut), quatre idées clés devraient donc apparaître dans tout accompagnement : uniformisation et cohérence ; mise à jour ; centralisation ; interactions. Par ailleurs, certains insistent plus particulièrement sur la notion de persona : il ne s’agit pas seulement de se créer des profils mais bien une identité cohérente avec ses besoins mais aussi avec la culture de chaque plateforme (Queensland University of Technology) – Louise Merzeau préférait de son côté parler de « présences » numériques plutôt que d’« identités » pour mieux souligner cette idée de construction.

Une manière d’aborder cette question face à des publics parfois hétérogènes, et parfois sur la défensive, est de rappeler que l’identité numérique se construit, que les outils sont disponibles et que le chercheur lui-même peut avoir la main dessus. Pour cela, on veillera, en tant que formateur, à bien distinguer des notions proches, mais non concurrentielles : « identité numérique », « visibilité », « e-reputation » et « impact » : on peut très bien avoir une bonne identité numérique sans être facilement visible sur les moteurs de recherche ; on peut être bien visible sans avoir encore un grand impact scientifique ; enfin, on peut être visible mais sans avoir une e-reputation académique. Ces distinctions sont importantes par exemple entre un doctorant et un chercheur déjà expérimenté. La qualité de l’identité numérique et la visibilité sur internet ne dépendent pas uniquement des publications scientifiques. Par ailleurs, cette question doit être resituer plus largement dans la visibilité académique « traditionnelle » : communications et présence à des colloques, publications, carnet d’adresses. On sait ainsi que la présence sur les réseaux sociaux a peu de poids pour le recrutement professionnel ; par ailleurs, même si « la collaboration [entre chercheurs] est devenue plus facile grâce aux réseaux sociaux numériques, les conférences restent la façon la plus importante de construire des alliances de recherche » pour les jeunes chercheurs (David Nicholas et al.). Or, « dans le cas français, les jeunes chercheurs qui ont obtenu un poste rapportent que les collaborations qu’ils ont développées ont joué un rôle important dans leur recrutement » (David Nicholas et al.). Et d’une manière générale, les réseaux, virtuels et réels font partie des éléments attendus d’un candidat en recherche d’emploi.

Enfin, il faudra rappeler que toute présence en ligne entraîne des exigences et des responsabilités. Comme le rappelle une très bonne série de billets sous le titre provocateur « 5 reasons a student shouldn’t blog »[11], ces responsabilités sont d’abord liées à des problèmes d’e-reputation, personnelle tout autant qu’institutionnelle, scientifique tout autant que professionnelle. Mais plus largement, il faudrait rappeler les conditions d’une présence éthique et responsable en ligne, à travers sa communication, ses prises de position mais aussi le choix des outils. D’autant qu’entre les conditions générales d’utilisation des services, le cadre juridique, le cadre contractuel, les droits sur les données ou les bonnes pratiques académiques, les responsabilités sont extrêmement larges ! Pour ce faire, on renverra notamment au guide du COMETS (Comité d’éthique du CNRS), Pratiquer une recherche intègre et responsable. Guide (version FR, version GB). Parmi ces points évoqués çà et là lors de formations à l’identité numérique, on trouve : le rattachement institutionnel (affiliation, signature, lien au sujet sur theses.fr), les données (stockage, pérennité), le dépôt des documents et l’open access, ce qui permet de rappeler que le chercheur n’est pas un individu isolé à un instant T mais qu’il s’inscrit dans un contexte institutionnel et scientifique plus large et plus long.

* les limites à respecter

Que répondre à la question, pas si rare, « Que me conseillez-vous ? Que feriez-vous à ma place ? ». Prudence ! Trois exemples rencontrés personnellement : un doctorant travaillant, en contrat CIFRE, dans le domaine militaire et dont la soutenance devait se dérouler à huis-clos ; une chercheuse travaillant sur la GPA, dont toute prise de position, même à titre personnel privé, pouvait saper une confiance difficilement acquise sur le terrain ; un chercheur souhaitant développer le réseautage avec des chercheurs des pays moins avancés. Ces trois cas particuliers illustrent bien la difficulté à proposer une réponse sans connaître le contexte d’exercice précis du chercheur : certes, la question disciplinaire est importante, mais dans les détails, quid de la zone géographique, des données sensibles, de l’expression citoyenne personnelle, mais quid aussi des buts et des moyens du chercheur concerné ? Il faut savoir « prendre en compte la capacité du chercheur à gérer ce niveau d’exposition, a) en l’aidant à décider de son niveau d’engagement en ligne, b) en l’aidant à comprendre et identifier les risques associés et, c) en l’aidant à trouver des solutions quand des problèmes apparaissent » (Sharyn McDonald). Mais, plus que tout, les formateurs doivent rester dans un simple rôle de conseil et non, évidemment, de prescripteurs. « Les bibliothécaires devraient être des mentors dans le processus d’apprentissage tandis que les étudiants sont encouragés à être des apprenants autonomes dans la mesure où les décisions concernant la communication scientifique seront faites au cas par cas » (ALA). Si, « la bibliothèque, dans son rôle de médiateur, peut déclencher les processus d’identité et de réputation numérique qui doivent être continués par le chercheur » (Viviana Fernández-Marcial et Llarina González-Solar), il s’agit de fournir des outils d’aide à la décision, en insistant sur les invariants, les enjeux et les bonnes pratiques, d’une part parce que les outils évoluent sans cesse et les outils présentés aujourd’hui ne seront pas forcément ceux présentés dans dix ans, et d’autre part, parce que c’est à chaque chercheur de réfléchir à sa présence en ligne, même si les professionnels de l’IST sont là en soutien. C’est cette logique que suivent les bibliothécaires du programme Pimp your profile à la Queensland University of Technology. Lors des ateliers en présentiel, et sur le modèle du tutoriel en ligne, les participants sont invités à réfléchir à leurs propres habitudes et leurs propres besoins avant de se lancer. Trois étapes sont alors possibles, jouant sur la gamification en vogue de la présence en ligne : la base pour tout chercheur, à réaliser durant l’atelier (médaille de bronze) ; les outils pour développer un profil et du réseautage en ligne, à réaliser dans les semaines suivantes (médaille d’argent) et les éléments avancés comme la mise à jour ou la communication, à étudier d’ici la fin du semestre (médaille d’or). Dans la mesure où l’atelier se veut un atelier pratique, chacun est invité à suivre la stratégie qui l’intéresse, la plupart des chercheurs atteignant les niveaux bronze ou argent durant l’atelier même.

Selon une récente étude nationale, les bibliothécaires universitaires canadiens estiment important de former aux problèmes de vie privée (privacy) en ligne et beaucoup d’entre eux se déclarent inquiets de la masse d’informations personnelles requises pour se créer un compte sur un réseau social ; mais dans le même temps, les bibliothèques proposent peu d’activités sur ces questions. L’accompagnement sur l’identité numérique est un excellent lieu pour évoquer le problème des données personnelles et des paramètres de compte. On veillera notamment à avoir les idées claires sur le droit à l’oubli et le RGPD (Règlement sur la protection des données personnelles) européen en application depuis le 25 mai 2018 (cf. CNIL, Plus de droits pour vos données) et le droit au déréférencement (cf. CNIL, Le droit au déférencement). Dans le même ordre d’idées, et comme rappelé lors de l’atelier, à l’occasion des activités où l’on fait se googliser des participants, il conviendrait sans doute mieux de faire se googliser les participants sur le propre profil et non pas googliser un autre participant de l’atelier, de peur de voir apparaître involontairement des informations gênantes. Enfin, attention aux formations pratiques où l’on fait créer des comptes personnels aux chercheurs sur des outils non institutionnels, généralement des réseaux sociaux, comme à la Queensland University of Technology. Il faut en effet s’assurer que les participants souhaitent vraiment disposer d’un compte sur les services concernés. Au risque sinon, de voir ces profils laissés en déshérence sitôt la formation terminée faute d’intérêt du chercheur, ce qui sera totalement contreproductif, voire négatif pour l’identité numérique du chercheur ! Il faut donc bien s’assurer des attentes et des besoins du chercheur, voire le relancer. C’est notamment pour cela que les participants aux ateliers de la Queensland University of Technology sont également invités lors de la séance à rédiger une to-do-list personnelle que les bibliothécaires leur envoient par mail deux mois après l’atelier, accompagnée d’une invitation pour recevoir de l’aide complémentaire.

 

Conclusion

« L’identité et le bien-être numérique sont des pistes effectives pour favoriser l’engagement du personnel et des étudiants. Ils abordent les personnes et leurs pratiques concrètes, plutôt que des rôles et des comportements idéaux » (JISC pour l’University of Lincoln) ; « L’identité numérique reste une puissante motivation pour développer des compétences numériques et pour susciter des initiatives numériques. C’est vrai pour les institutions autant que pour les individus » (JISC pour l’University of Southampton). Si les injonctions à l’accompagnement autour de l’identité numérique sont de plus en plus fréquentes, les activités le sont tout autant dans les bibliothèques universitaires françaises. Non plus pour présenter l’identité numérique comme une annexe de la publication scientifique ou de l’impact du chercheur, mais dans sa propre dimension stratégique. Événement tout public, formations en présentiel, outil en ligne ou encore accompagnement personnalisé doivent pouvoir répondre aux besoins de publics divers. Certes, de nombreuses questions se posent sur le contenu et sa présentation ; des questions toutes aussi nombreuses se posent sur les modalités d’accompagnement. Mais le plus important, c’est de situer le chercheur et ses besoins individuels, et non pas l’institution et ses pratiques, au centre de la stratégie. Et il s’agit moins sans doute de leur proposer des solutions immédiates que de leur donner les clés pour s’adapter à un paysage en évolution et leur faire connaître et reconnaître les ressources et les services disponibles pour les aider au sein de leur institution. Certes, comme pour d’autres services, et comme l’ont rappelé les participants à la formation de formateurs : « Les bibliothécaires sont là pour vous aider ! ». Mais au final, c’est bien aux établissements eux-mêmes , au niveau le plus haut, de « sensibiliser les chercheurs à l’importance de la visibilité de la recherche de manière à créer une culture qui sert de toile de fond pour le service d’identité numérique de la bibliothèque » (Viviana Fernández Marcial et Llarina González Solar), avec une vraie stratégie commune à tous leurs services et d’importants efforts de communication. Alors, profitons du contexte favorable autour de la science ouverte, de l’adhésion nationale prochaine à ORCID ou encore de l’injonction de LIBER (Ligue européenne des bibliothèques de recherche) à développer les bibliothèques de recherche comme des hubs de compétences et de services numérique pour multiplier les partenariats en interne et pour proposer une vraie acculturation à la culture numérique académique !

 

Notes

[1] On rappellera ici le Plan national pour la science ouverte annoncé par la ministre : « Le Plan national pour la science ouverte annoncé par Frédérique Vidal, le 4 juillet 2018, rend obligatoire l’accès ouvert pour les publications et pour les données issues de recherches financées sur projets. Il met en place un Comité pour la science ouverte et soutient des initiatives majeures de structuration du paysage concernant les publications et les données. Enfin, il est doté d’un volet formation et d’un volet international qui sont essentiels à la mobilisation des communautés scientifiques et à l’influence de la France dans ce paysage en cours de constitution ». (retour)

[2] Gérer son identité numérique (BU Paris 1), Identité numérique du chercheur (MSH Val de Loire), Identité numérique du chercheur et du doctorant (BU Lyon 2), Identité numérique du jeune chercheur (BU La Réunion), Identités numériques du doctorant (BU Angers). (retour)

[3] Soigner son e-reputation (BU Le Havre), Être visible sur internet : quels outils pour quels buts ? (ED d’histoire Paris 1), Valoriser votre profil et vos publications sur Internet (MOM). (retour)

[4] Identifiants ORCID, IdHAL, et identité numérique du chercheur (BU Lyon 2), Identité numérique et réseaux sociaux pour le chercheur (USPC), Publication scientifique et identité numérique (BU Lyon 2, Lyon 3 et bibliothèque Diderot de Lyon), Publication scientifique, Open Access, Bibliométrie et Identité numérique du chercheur (BU UVSQ). (retour)

[5] Améliorer la visibilité de sa production scientifique (BU Avignon), Valoriser ses publications scientifiques et accroître la visibilité de sa recherche (URFIST de Nice), Améliorer la visibilité de sa recherche sur le web (Rennes 2). (retour)

[6] Référentiel européen DigComp : Commission européenne. Digital Competence Framework 2.0 ([DigComp 2.0], 2016) : « 2.6 Managing digital identity : To create and manage one or multiple digital identities, to be able to protect one’s own reputation, to deal with the data that one produces through several digital tools, environments and services » (lien, avec exemples de réalisation) ; référentiel anglais : JISC. Building digital capabilities : The six elements defined : « Digital identity management. The capacity to develop and project a positive digital identity or identities and to manage digital reputation (personal or organisational) across a range of platforms; to build and maintain digital profiles and other identity assets such as records of achievement; to review the impact of online activity; to collate and curate personal materials across digital networks. An understanding of the reputational benefits and risks involved in digital participation » (lien) ; référentiel américain : Association for College and Research Library’s (ACRL). Framework for Information Literacy for Higher Education : « Learners who are developing their information literate abilities […] make informed choices regarding their online actions in full awareness of issues related to privacy and the commodification of personal information » (lien) ; référentiel français : C2i niveau 1 : Compétence D2.1 Maîtriser son identité numérique privée, institutionnelle et professionnelle. « Pour accéder à des services numériques, intégrer des communautés, construire son portefeuille de compétences ou son ePortfolio, l’usager est amené à communiquer dans différents contextes (privé, institutionnel ou professionnel) des informations personnelles qui sont exploitables par des tiers. Cela implique que l’usager est conscient des traces qu’il laisse et de l’impact que ces traces peuvent avoir sur sa réputation tout au long de la vie personnelle comme professionnelle. Il lui appartient donc de gérer activement les différentes caractéristiques et facettes de son identité numérique » (lien) ; à noter que la plateforme PIX qui doit se substituer progressivement au B2i et au C2i doit suivre le référentiel européen DigComp. (retour)

[7] A titre d’exemple, le prix littéraire de la Fondation ManpowerGroup et HEC Paris indique en 2016 qu’« un auteur se verra également remettre le Prix de l’Empreinte Numérique. Le jury a décidé cette année de prêter une attention particulière à l’usage fait par chaque auteur des médias numériques. Au-delà des questions de visibilité en ligne, ce prix récompense les auteurs qui ont su faire de leur présence numérique de véritables outils de partage et de co-construction du savoir ». (retour)

[8] Le référentiel Cambridge Information LIteracy Network (CILN), qui souligne l’importance pour les étudiants de savoir se créer une identité numérique positive, précise que « ce référentiel a été conçu en ayant en tête spécifiquement les licences et les masters » (source). (retour)

[9] Rapport 2013-2014 avec un retour des étudiants sur leur formation et des éléments complémentaires (SADL project evaluation report) ; rapport 2014-2015 ; rapport 2015-2016. (retour)

[10] On pourra trouver des exemples d’articles dans le LSE Impact blog The scholarly kitchen, Times Higher Education. (retour)

[11] « Introduction » ; « #1, Public reputation » ; « #2, Offending potential educators and/or employers » ; « #3, Irrelevant topics » ; « #4, Time management » ; « #5, Prioritized writing » ; « Conclusion ». (retour)


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